Dans les oreilles de Tico

DANNY BROWN – ‘QUARANTA’ le retour du rappeur de Detroit 17.01.2024

vu sur Mowno

Album / Warp / 17.11.2023
Hip hop

Un portrait au regard usé, à moitié dans l’ombre. Un regard en arrière en guise d’ouverture, porté par des paroles douces-amères sur ce rap à la fois maudit et béni. Autant de signes qui témoignent d’un Danny Brown nouveau, plus apaisé et mélancolique que jamais, à 1000 lieux des productions hédonistes et des images surréalistes qui faisaient de lui, il y a encore de cela quelques années, un des rappeurs les plus excentriques de sa génération. 

En lieu et place, une succession de productions boom-bap tricotées par des pointures (The AlchemistSamiyam), un ami de toujours (Skywlkr), des visages familiers (Bruiser Wolf) et d’autres plus lointains (le prodige new yorkais MIKE à la rescousse sur Celibate). Une manière pour Danny de recentrer ce nouveau projet sur lui, et d’affirmer toujours davantage son sillon, celui d’un rappeur alternatif, aux goûts plus singuliers et aux désirs bien différents désormais. 

A l’image de sa pochette, Quaranta prend presque par moments des aspects crépusculaires, comme si le rappeur de Detroit formulait un désir de disparaître et de retrouver enfin un anonymat depuis longtemps révolu. S’ensuit alors une plongée dans les souvenirs d’une décennie d’excès, de concerts et de morceaux inoubliables, tous rassemblés dès la guitare lancinante de l’ouverture : ‘This rap shit done saved my life and fucked it up at the same time‘. Danny Brown s’enfonce ensuite jusqu’à son enfance dans le Michigan défavorisé (Y.B.P), évoquant avec la même acuité et le même sens du détail les tickets de rationnement, les raclées et une tante surprise en train de fumer du crack. Enfin, quelques morceaux plus loin, les effluves d’un alcoolisme encore récent remonte à la surface avant d’être chassé par un amour providentiel (Down With It). 

Si, au milieu de ces titres forts, on retrouve des échos du Danny Brown d’avant (le sample de rock psychédélique sur Tantor, la rythmique jazz de Jenn’s Terrific Vacation), tout en phrasé syncopé et woodpeckeries à l’ancienne, ce ne sont pas ces morceaux qui retiennent le plus l’attention ici. Comme si l’essentiel était désormais ailleurs, dans la lente reconstruction d’une figure toujours aussi essentielle du rap américain, rendue encore plus précieuse par le regard nouveau qu’elle pose sur elle-même et sur son parcours atypique, aussi trouble que fascinant.